Page:Dunan - Le Brigand Hongre, 1924.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’homme, en caressant son gilet brodé, explique posément ses « connaissances ». Il ajoute :

— Pas trouver d’amant à Bakony.

Tous se mettent à rire et le plus déguenillé boit une lampée d’alcool, soudain, deux coups sont frappés à la porte, puis j’entends une sorte de cri de passe et…

Je vois, je vois l’amant d’Ida Effreazy s’encadrer dans l’huis ouvert. La lampe dessine à grands pans son masque de douanier fripouille.

Il s’écrie :

— Ah ! je la cherchais. La voilà !

Il entre et Ida apparaît derrière lui, les lèvres écartées sur des dents luisantes.

Elle a l’air féroce, farouche et heureux, avec son sourire de belette affamée.

Les six betyars se sont levés devant la princesse Ida. Ils sont dignes, mais très respectueux, et je sens mon destin entaillé déjà par l’acier des ciseaux fatidiques.

L’amant d’Ida, Atko Szegeny, me regarde avec une curiosité inquiète, puis il tire un long couteau de sa ceinture et vient à moi.

Il dit à Ida :

— Comment veux-tu que je la tue, par le haut ou par le bas ?

— Par le bas. Empale-la !

— C’est bien court. Elle mourra tout de suite, mais ce sera fait !

Il est à un mètre de moi, son coutelas tenu le pouce au pommeau. Je recule, mon regard horrifié parcourt la cabane, et j’arrive au bout de la table, près des volets.

— Tue, Atko ! siffle Ida.

Alors le betyar aux vêtements en lambeaux vient à Szegeny et lui prend le poignet.

— Que t’a-t-elle fait ?

— Elle m’a volé une lettre pour la princesse.

— Ça n’a pas nui à tes amours, pourtant, rétorque mon sauveteur qui vient, lui aussi, se placer devant Szegeny.

— Que t’importe ?

— Beaucoup ! Je l’ai fait entrer ici. Elle sortira comme je l’ai amenée. Cache ton arme et assieds-toi !