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d’un coup d’œil d’orfèvre, puis montre quelque détail à son voisin. Tous deux rient. Les deux autres veulent voir. Quand la bague a été examinée par tous, même par mon sauveteur, assis devant moi silencieux, elle m’est rendue avec ce jugement :

— Pas joli !

Je n’ai rien à répondre. Les betyars se remettent à jouer. On ne saurait croire combien ces brigands sont de bonne compagnie. Quand l’un d’eux a perdu, il dit en hongrois :

— C’est une malédiction ! sainte vierge, chassez-la !

Et la partie continue. De temps à autre, les deux dormeurs, qui se sont éveillés, me sourient hideusement.

Mais le betyar bien vêtu se tourne vers moi et se rapproche.

— Guerre avec la France ?

Je fais non, au hasard, sans comprendre.

— Si. Vous demain en prison.

Il étend une main énorme, velue, et plissée, et la passe sur ma poitrine, sans insister, sans insolence, mais avec une nuance indéfinissable de dédain.

— Pas bon, prisons hongroises, pour femmes, souffrir corps bien fait.

— Pas corps bien fait, dit un autre. Femmes hongroises, oui !

— Montez, me dit le premier en désignant la table.

J’hésite. Quelle attitude prendre, et à quoi mènera le refus ? Les sept hommes sont graves et n’ont pas autre souci que d’éclaircir leurs jugements, je crois. Et puis, où est le choix des actes ?…

Je monte sur la table.

Quatre brigands m’entourent.

— Corps jeune garçon, bien plutôt que femme.

Aux mots « jeune garçon », je vois quatre regards ardre. Mais le brigand élégant vérifie.

— Non, femme !

J’ai rougi violemment et me retiens de sauter à terre, puis de courir à la porte et de me sauver dans la forêt, avec les ours et les loups.

— Toutes comme cela, femmes françaises, corps de garçons et blondes là où les Hongroises sont brunes. Pour cela, elles aimer les femmes, toujours.