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leurs, on voit à Bude des choses qui étonneraient en Occident. Nous avons en effet rencontré, un jour, dans la Niedermayer Utcza, un Arabe dévot qui montait cette roide pente en égrenant son chapelet. Et l’on me confia que, sur le sommet de la colline, est la tombe d’un grand saint d’Islam : Hadschi-Guhl-Bab, qui reçoit ainsi la visite de nombreux pèlerins musulmans.

Après avoir parcouru Buda-Pesth, Ida et moi prîmes contact avec les musées.

Ce fut d’abord la visite à l’illustre Galerie Esterhazy, puis, le lendemain, au Musée National. Je fus prodigieusement intéressée par les collections d’objets préhistoriques, et, dans ma curiosité, ce jour-là, je devançai, étudiant avec soin les vitrines, mon élève indifférente qui paraissait singulièrement s’ennuyer.

J’avais remarqué, depuis le matin, que nous étions, Ida et moi, suivies par un bizarre individu, vêtu proprement, mais sans élégance, maigre, grand, avec une figure de bandit et des yeux qui fuyaient mon regard. L’insistance du personnage m’irritait, d’autant que, sur l’ordre du prince Arpad, aucune domesticité ne nous accompagnait. Justement, j’avais, dans la salle dite du Trésor, admiré une magnifique pièce ancienne d’orfèvrerie protohistorique, ciselée et travaillée comme par un artiste moderne, quand je m’aperçus qu’Ida n’était plus avec moi. Au même instant, j’entendis un pas dans la salle à côté. Je revins en arrière et aperçus le mystérieux suiveur qui tendait une lettre à Ida, et, ma foi, s’approchait comme pour l’embrasser.

Je sautai sur le gaillard, lui pris la lettre des mains avec brutalité et appelai bruyamment les gardiens, en langue magyare. L’inconnu recula et s’effaça soudain, comme s’il avait beaucoup redouté la garde. Je restai seule avec Ida. Elle me contemplait avec des yeux illisibles. Je lui fis des observations violentes, car, en mon métier, je préférais le risque d’un abus d’autorité à celui de l’extrême souplesse. Ida parut faire peu attention à mes reproches. Je les abandonnai donc, mais comme j’avais le souvenir très net de cet homme à large gueule de loup, plantée de dents pointues, et de ses oreilles décollées, j’avertis mon élève que je donnerais son signalement au prince Arpad. Je lus dans le regard d’Ida une colère muette et redoutable. Tant pis ! Elle me dévisageait, le torse cambré, la croupe tordue, les mains ouvertes sur ses seins, avec une provocante attitude qui témoignait, chez cette