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laisser beaucoup de libertés à sa fille, le jour où elle en mésuserait, les « employés » seraient déclarés responsables. Ainsi, lorsque l’ingénieur en chef d’une ligne de chemin de fer a mal calculé sa courbe ferroviaire, ce sont les mécaniciens qui sont responsables des accidents causés par la mauvaise courbe.

Or, un jour, je fus chargée de mener Ida Effreazy à Buda-Pesth pour lui montrer les musées et expliquer leur contenu. Le voyage me plaisait fort. Nous partîmes un matin à huit heures, avec une escorte de trente cavaliers magyars, dans une sorte de carrosse datant des premiers jours du royaume de saint Étienne. À onze heures, nous entrions dans la partie plane des terres Effreazy. À midi, nous étions au lac Balaton.

Le prince Arpad avait fait magnifiquement les choses, à son ordinaire. Il avait acheté, pour la traversée du lac, un canot à pétrole qui, heureusement, était en panne. Nous dûmes embarquer, à Tihany, sur le vapeur qui transporte tous voyageurs à travers le lac, tantôt en long, tantôt en large. Le Haljuk nous mena donc à Sid-Fok. Là, nous pûmes — c’est en Hongrie — faire arrêter le train à une station spéciale, réservée à la famille Effreazy. Et nous voici partis pour Buda-Pesth.

Quel voyage ! Un remblai faisant digue règne sur d’immenses marécages absolument déserts et mornes. Et, là-dessus, le train s’en va, avec un asthme à décourager les errants de tous les grands express internationaux. Nous fûmes à Pesth assez tard, le soir, vingt domestiques et trois voitures nous attendaient à la gare. De là, nous étions menées à l’hôtel Effreazy.

Le lendemain fut consacré à notre prise de contact avec la capitale magyare. Elle est faite de deux morceaux séparés par le Danube : Pesth à l’ouest, Bude à l’est. Pesth est une belle cité moderne, avec des quartiers assez peu reluisants et un évident désordre dans les organisations de tramways et de voitures. Mais Bude s’atteste une ville très curieuse. La vieille gloire des cinq-sources (Aquineum) rendait déjà Bude célèbre voici près de trois mille ans, et elle lui reste. Ces « cinq sources » sont encore, en effet, le hammam favori des Hongrois. L’eau en jaillit très chaude. On y voit toujours les bancs construits par le sultan Soliman. Et, autour de ces thermes classiques, il y a une merveilleuse floraison d’édifices mystiques : clochers dorés, synagogues aux toits en bulbes, minarets inutilisés mais reconnaissables, y ont même su garder une couleur originale. D’ail-