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l’orage s’amasse sur eux. Tandis que l’Iliade perpétue leur gloire dévastatrice, une Iliade qui, sans doute, connut, de Solon aux Pisistratides, bien des remises en œuvre ; pendant que les rois Achéens, fiers d’être héritiers des plus beaux ravageurs du monde connu, s’endorment dans des nécropoles imités du Delta, le peuple hybridisé, où quatre races fermentent, s’élève à la plus haute conscience qui soit apparue sur terre. Les fils de ces Achéens barbares sont Périclès, Phidias, Platon.

Ces problèmes d’origine ont pour moi le plus passionnant des attraits. La bibliothèque Effreazy contenait combien d’innombrables pièces propres à accrocher et diriger les rêveries ! Ainsi en était-il des pierres gravées hongroises, découvertes avec des poteries prodigieusement anciennes. Et je reconnaissais ces profils de la Grèce protohistorique, au nez prolongeant le frontal. Je suivais divers types de dessins Égéens, comme la labrys ou double-hache. Même une sorte de chapiteau ionien ornait un fragment de colonne nanti, au bas, de ces dessins totémiques qu’on cesse de trouver bien avant l’âge du bronze.

J’y trouvais aussi de splendides reliques gréco-romaines. Des masques, des bronzes, des armes, et des plaques de marbres fort minces, gravées au stylet d’inscriptions cursives, pour moi illisibles parce que les accidents du marbre, ses contacts avec d’autres pierres, l’avaient creusé d’un fouillis de sillons si étroitement mélangé avec l’écriture, que seule une étude longue et minutieuse aurait pu restituer le texte écrit.

D’ailleurs, à errer dans les musées hongrois, j’ai constaté, sans aucun doute, que les restes de la civilisation romaine sont plus nombreux là-bas qu’en France. On a découvert des milliers de statues, souvent infirmes, mais qui furent belles, et pourtant aucune fouille systématique n’a été pratiquée, même à Carnuntum. Aussi, que de trésors doivent toujours dormir dans ce sol archéologiquement vierge !

Bref, je fus, durant près d’une année, fort heureuse de mon existence chez les hongres. Évidemment, mon « office », pour être un peu au-dessus, hiérarchiquement, d’une place de chambrière, n’était pas très relevé. Je l’ai dit : le gentilhomme hongrois, par chance, est bienveillant. C’est certainement surtout à la bienveillance générale que je dus de ne jamais sentir le côté un peu ancillaire du travail auquel j’étais dévouée.

Cependant, peu à peu, je croyais sentir Ida Effreazy devenir plus sauvage avec moi. Elle sortait du château le jour, ce qui lui était rigou-