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passants. D’ailleurs, le prince Arpad payait une « imposition » en aliments : vin, pain, cochons et volailles, aux brigands de la forêt, de telle sorte que le personnel du château était tout de même en sûreté lorsqu’il sortait sans protection.

On ne faisait non plus aucun mal aux trente-quatre porchers du château, lorsqu’ils menaient leurs gorets aux glands.

Ces animaux, avec leur poil sombre, étaient énormes et dangereux comme des sangliers. Leur troupe totale constituait une fortune. Il y en avait jusqu’à deux cent cinquante avec chaque porcher, soit plus de vingt-cinq mille jambons en tout.

Les chênes de Bakony fournissaient la nourriture à cette armée porcine. voilà, par exemple, une vie étonnante, et, pour nous Français, incompréhensible : celle du gardien des gorets en forêt de Bakony. On le nomme Kanasz. Ses élèves sont de méchants bestiaux, massifs et hargneux. Armé, traditionnellement, d’une hache qu’il utilise comme l’espagnol fait de sa navaja, il vit seul, ayant pour amis les loups, les brigands, les ours et les arbres. Avec cela, une princière dignité le revêt. Son chapeau nanti d’une plume, à la tyrolienne, ses cheveux ondés, ses moustaches démesurées qu’il effile sans répit, lui donnent une physionomie de l’an mille. Et, tout le jour, il fait des yeux tendres à ce qui l’entoure, les chênes, ou ses élèves ; il n’oublie jamais de porter des bottes aux tiges coupées en cœur, sur lesquels retombe une houppelande poilue qu’il drape comme un peplum.



Bien entendu, la vie au château et dans les environs eut pour moi tout l’attrait d’un voyage d’agrément, puisque mon « travail » ne m’absorbait pour ainsi dire jamais. Je m’efforçai aussi de pénétrer dans l’âme magyare, ce qui, comme toute psychologie comparée, est ardu et plein de surprises. La bibliothèque Effreazy, où j’ai tant lu, est merveilleuse. Je suis assurée qu’un savant de chez nous y trouverait des documents, probablement incontestables, propres à jeter de grandes lumières sur les faits controversés du passé. À mon sens, il y a là des trésors d’archives. Que