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(joli nom pour faire triompher le système Taylor), ou bien encore ils ont fauché le blé d’Unzue, en Argentine, et ils détiennent des valises en peau de cochon dans leurs isbas. Ils chantent Santa-Lucia sur un air nègre, et, en fait de mandolines, véhiculent des pistolets à huit coups, poinçonnés Smith-et-Wesson, dont l’usage est beaucoup plus maléfique que le plus redoutable air de Métastase, Laissons ces drilles au « panetone », à leurs « zamponi » et à leur vinasse qu’il faut boire avec un scaphandre.

Mais vous avez tort de croire que la tradition napolitaine soit disparue. voyons ! Et la Tchernagore ? Et les Comitadjis boulgres ? L’Arnaute Albanais naît brigand comme les Rothschild naissent barons. Et quel merveilleux personnage d’opéra-comique il fait !

Mais ce n’est point même chez les balkaniques que j’ai connu des brigands à la Cartouche ou à la Mandrin, c’est en Hongrie.



J’étais, en 1914, professeur de français, et d’autres sciences inexactes, au château Effreazy, en plein pays hongre.

Tâchez de comprendre le patelin : de Buda-Pesth, ou plutôt de Pesth, partent, respectivement au sud et à l’ouest, deux voies ferrées. L’une va vers Presbourg, l’autre à Agram. L’angle que font ces deux lignes de chemins de fer est parfaitement vide de communications praticables. Non seulement le rail n’y va pas, mais les routes valent celles de Perse ou de Chine. Or, entre Raab et Nagy-Raniza, qui sont sur les lignes serrées, il y a une distance de cent kilomètres. Le triangle dont cette ligne est la base et Pesth le sommet contient l’immense forêt de Bakony. Elle occupe les deux tiers de cet énorme terroir, avec un vaste et beau lac, le Balaton. C’est le refuge des « brigands » ou « betyars » de Hongrie. Une cinquantaine de villages sont essaimés dans cet espace. Toute la clientèle commerciale et industrielle des habitants est celle des brigands. Ils sont d’ailleurs des voisins supportables, et leurs prédations s’avèrent le plus souvent réglées par contrat, de gré à gré. Un jour viendra où l’on fera