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— Je le ferai.

— Il te faut fuir, mais tu ne peux le faire en femme.

— Comment faut-il donc ?

— Vêts-toi en homme, en soldat. Il y a ici toute ma vêture guerrière. Et n’omets point les armes.

Sa voix devenait très faible :

— Sache qu’on ne s’approchera jamais de toi sans des désirs hostiles. Ne laisse donc jamais d’homme feindre l’amitié, et tue sans hésiter…

Il resta une demi-minute muet, puis continua :

— Prends la route du Sud, comme j’ai fait jadis, et efforce-toi de retrouver notre pays dont je t’ai tant parlé…

Il ne pouvait plus parler et la mort décolorait déjà ses regards. Il s’efforça pourtant encore et chuchota :

— En homme, sois seule, redoute tout le monde…

Et il mourut.

Devant le massacre, qui, en quelques minutes, la privait de toute famille, Ioanna resta un moment muette. La tête lui tourna, et, à son tour, elle chut, évanouie, parmi les morts. Quand elle s’éveilla de sa syncope, le soir venait. Le silence était complet et sinistre. Il lui fallut longtemps pour reprendre contact avec les choses et comprendre ce qui