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Il ne restait plus rien de cette triple force souveraine, qui, quarante ans plus tôt, semblait avoir partagé le monde. Irène, les yeux crevés, était morte dans un couvent de Thessalie. Carloman avait disparu, puis Haroun. Et les héritiers eux-mêmes se disputaient les bribes des empires naguère omnipotents. En Occident, ses fils venaient de dégrader Louis, Empereur, puis le rétablissaient malgré eux. À Bagdad, Al Mamoun s’effaçait à son tour. La reine Judith poussait silencieusement Charles vers la couronne.

Ioanna apprenait ainsi l’histoire de son époque sans sortir de sa demeure. Elle avait seize ans et son âme ardente construisait déjà de somptueux avenirs.

Elle rêvait parfois, couchée sur l’herbe, le cœur gonflé d’espoirs et de désirs.

Et les seuls noms des villes étranges, où les hommes s’amassent et vivent dans une sorte de férocité joyeuse lui étaient un délice. Elle disait Constantinople, Byzance, Paris, Rome, Athènes et rêvait du moment où il lui serait permis de les voir, de les aimer…

Elle se souvenait de la prédiction de la devineresse, une vieille aux yeux perçants et ironiques :

Tu seras plus puissante qu’un roi.

Et elle riait.