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tirer souci d’une vie aussi fragile et négligeable.

Le Grec haussa les épaules.

— Donne-moi à boire

Elle tira une cruche, d’un coin dissimulé, et la levant, il but la boisson à l’odeur forte.

— Alors, reprit la femme, tu veux que je t’élève ce marmot de hasard.

— Oui. Je te donnerai chaque année deux pièces d’or.

— C’est peu.

— Ne rechigne pas. Tu vendras à boire aux autres soldats que je te mènerai, mais prends garde que l’enfant soit hors de leur portée.

— Oui. Ne crains rien.

— Je m’en vais maintenant, conclut le soldat avec tristesse. — Pars, fit la femme, si tu n’as désir de rien.

Il comprit qu’elle s’offrait, mais le souvenir de la femme morte, écartelée au fond de sa charrette misérable, lui était encore douloureux. Il leva la main, comme ses aïeux dans les conseils de la cité athénienne :

— Femme, je vieillis, et l’idée de quitter la terre pour le Hadès commence à me hanter plus que l’amour.

Elle ricana :

— Je le comprends, païen, car tu iras en enfer.