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Le soldat, irrité, sauta en bas du talus et vint à l’arrière du véhicule.

Une toile déchirée le fermait. Il la leva, prêt à tuer s’il y avait le moindre danger, car il n’était point dans un pays où l’on attend d’être attaqué pour férir.

Mais il ouvrit alors la bouche avec stupeur et un soupir d’étonnement lui échappa.

Il poussa ensuite en grec, sa langue aimée, un petit cri d’appel pour les dieux qui protègent la venue au monde des êtres. C’est qu’il restait toujours païen. Il s’en cachait, d’ailleurs, avec soin. Les évêques du Christ aimaient assez en effet faire mourir ceux qu’ils ne pouvaient convertir, pensant les faire ainsi profiter malgré eux de la vie éternelle.

Mais, dans ses grandes émotions, l’homme de Hellade sentait remonter en sa mémoire les paroles et les gestes héréditaires, que son père, dans un ring de sauvages Avars, lui avait un quart de siècle auparavant, enseignés.

Devant lui, sur un lit de feuilles sèches, une femme, fort belle peut-être, mais aux traits déformés par l’angoisse et la douleur, était en train d’enfanter.

On voyait sa bouche tordue d’où s’échappait un cri inépuisable, ses bras écartés dans un geste d’abandon et de souffrance, son torse, secoué par des mouvements rapides