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réjouissait de tromper ses adversaires et tirait une satisfaction puissante des succès que la lutte lui ménageait.

Naturellement, dans ce corps tendu par le besoin de se défendre et pour qui l’esprit n’était qu’une forme supérieure de la prudence, la question sexuelle n’existait plus du tout.

On a pu s’imaginer que la Papesse Jeanne vivait dans la débauche la plus infâme et la plus crapuleuse. C’est le sort des hommes d’attribuer à autrui les vices dont eux-mêmes sans doute useraient si le destin les plaçait assez haut dans l’échelle des pouvoirs.

Mais Ioanna, Papesse, était chaste, d’une chasteté rébarbative et dont il lui arrivait parfois même, intellectuellement, de souffrir. C’est qu’elle se demandait alors, parmi mille embûches connues et mystérieuses, dans un danger tous les jours proche et qui ne s’éloignait jamais, si la vie menée valait ces lourds soucis et cette écrasante besogne. Elle se souvenait de certains délires de ses sens comme un repu qui a mal à l’estomac se souvient de petits repas délicieux pris au temps où ses organes étaient sains. Mais elle savait aussi que le passé embellissait tout cela et que le plaisir sexuel n’est qu’un délire de dix secondes précédé d’un frisson qui ne dure pas plus de quelques minutes.

Tout cela d’ailleurs ne se trouvait même