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de rien apprendre pour vivre. La science est un jeu, le plus beau des jeux, mais un jeu si délicat qu’il ne sera peut-être plus jamais aimé ici-bas. Nous l’avons chéri, ce jeu, jusqu’à la folie. Nous y avons tout sacrifié, mais désormais on semble tendre à croire que l’existence sera plus douce en y renonçant.

— On se trompe.

L’homme se mit à rire doucement.

— Songez-y, inconnue, et je puis vous dire cela, parce que je vois que vous méritez les confidences, les hommes auront toujours horreur de la vérité parce qu’ils sont fainéants et crédules. La vérité réclame du travail, pour être mise au jour, et un subtil esprit critique qui est sans doute la plus rare chose du monde. Il est donc naturel que les êtres cherchent à vivre sans vérité. Ils le font comme, s’ils pouvaient, ils vivraient sans sentir ni penser. La race des humains n’aime ni la beauté ni l’esprit.

Ioanna l’approuvait, émerveillée devant ces aperçus étonnants. Il continua :

— Vous le voyez bien, je pense, la raison, à qui examine les choses de près, est chose ingrate, pénible et même douloureuse, car elle force à lutter souvent contre soi-même. Avec la religion du Messie, ils ont enfin trouvé une foi qui permet d’oublier l’esprit. C’est pourquoi elle est accueillie partout avec tant de satisfaction et d’enthousiasme.