Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le ciel était tendre et Ioanna aurait voulu s’offrir à tous tant le plaisir de vivre la possédait.

Ce qui la frappait et lui semblait vraiment donner la formule même du bonheur sur terre c’était avant tout là, l’alacrité de ses compagnons. Elle se souvenait des moines de Fulda qu’une sorte de tristesse rongeait au long des jours. Le sourire, là-bas, était un péché et l’ardeur et l’élan et la satisfaction de vivre. Tout devait être accompli comme sous un écrasant fardeau.

Mais ici les travaux les plus exténuants n’enlevaient point le rire de ces faces satisfaites. Ils riaient en toutes circonstances, de la nature, du vent, de la chaleur et d’eux-mêmes.

Et Ioanna finissait de le comprendre : la religion du Messie Jésus est une religion triste. Sans doute avant qu’elle naquît, les humains avaient-ils tant trouvé à s’égayer qu’il leur fallût racheter cela par des siècles de mélancolie…

On vit enfin la côte de l’Attique. Ioanna frémissante regardait de loin approcher la terre de ses rêves adolescents. C’était un pays léger, dessiné harmonieusement, mais qui semblait désert. Seulement, très loin, sur une hauteur, on percevait une sorte de colonnade blanche, puis au delà des lointains rosés.