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D’ailleurs elle ne montait plus sur le pont et restait là cloîtrée, assise dans la pénombre, muette et désarmée. Où se trouvait à cette heure la hardie guerrière qui put s’évader du monastère de Fulda, quitter Paris durant une nuit obscure, accompagner en qualité d’homme d’armes un marchand et plus tard la fille d’un noble homme ? Tout ce passé semblait un rêve. Ioanna n’était plus qu’une machine obéissante, dévouée au plaisir et aux volontés d’un soldat sarrasin. Le voyage dura dix jours. Elle ne savait où on la menait. Enfin la barque s’arrêta et elle perçut des cris, des appels, un bruit de foule.

On venait d’entrer dans un port.

Un jour entier passa, puis, au milieu de la nuit suivante, son propriétaire et amant qui était disparu revint. Il lui fit signe, sans un mot, de prendre une sorte de lourde mante et de le suivre.

Elle monta sur le pont.

La lune éclairait largement une ville en amphithéâtre, aux maisons blanches. Autour de la barque, cent vaisseaux étaient amarrés près d’un quai aux courbes étranges.

On la descendit dans un minuscule canot, et avec l’Arabe immobile et silencieux, on gagna une sorte de môle naturel. Ensuite, Ioanna monta sur la terre en se mouillant les pieds, puis suivit l’homme.

On fit cent pas, et ce fut l’entrée dans une