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larmes coulaient sur ses joues et un dégoût atroce lui retenait dans la gorge tout ce qu’elle eût désiré dire, qui était vrai, et dont elle sentait confusément que cela dépassait les bornes de l’immonde. Elle se réfugia dans sa chambre, un débarras noir et puant, puis s’y cloîtra. Deux heures durant elle entendit hurler et brailler les siens. Six fois ils vinrent à sa porte lui crier de nouvelles insultes. Enfin ils s’assagirent. Deux bouteilles d’eau-de-vie apportées par le forgeron noyèrent leur peine.

À dix heures, entendant les siens ronfler, Lucienne ouvrit, passa sans bruit dans leur chambre et gagna l’escalier. Une fois dehors elle respira. Où aller maintenant ?

Elle savait mille choses précises concernant ses parents les plus éloignés. Dans les familles pauvres c’est un sujet quotidien de conversation que le comportement des gens riches du même sang.

La manière de vivre des Dué magistrats et rentiers était donc particulièrement familière à Lucienne. Son cousin Jean, qu’elle avait rencontré une fois, dix-huit mois plus tôt, par hasard, se trouvait seul, du samedi au lundi, durant toute la belle saison. La chose était connue.

Lucienne, sachant cela, conçut de venir lui demander asile. Elle ne savait pas du tout