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cette petite ville, ce n’est plus que tare dégradante.

Elle parla avec tristesse :

— Je te reconnais, cette fois. Tu es bien le fils de ton père…

Il fut sensible à cette plainte.

— Mais non. Seulement, je suis navré de voir une jolie fille comme toi, et qui porte mon nom, vivre de cette… chose.

Elle affirma, aussi orgueilleuse que lui :

— Je ne fais pas ça comme métier. Je suis blanchisseuse. Mais j’ai une fillette, et mon désir serait de la gâter un peu. Pour le blanchissage, les jours n’ont que douze heures à travailler, et les prix ne sont pas faits par moi. Je te prie de croire qu’ils ne sont pas gros. Alors quoi ?… Je connais des hommes qui viennent me retrouver où nous sommes. Ils sont généreux, j’y gagne plus entre dix heures et minuit qu’à m’éreinter au lavoir. Je voudrais bien savoir au nom de quoi je renoncerais à ça ? Pour que tu me salues dans la rue ?… Mais jamais les Dué riches ne saluent les pauvres de leur nom, si honnêtes qu’ils soient…

Jean ne sut que dire. Il se voyait révéler par fragments la vie sociale et ses engrenages, ses violences et ses fatalités.

Il demanda :

— Tu es du bord de l’eau ?