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la pente de ses rêveries. Où en était-il ? Il ne savait comment juger sa situation morale. Ici, au lycée, il ne se sentait plus le même que durant cette nuit de la veille où il menait si audacieusement Lucienne par la campagne muette. Hier, il était un homme, non pas un gamin. Il prenait un parti après avoir médité le pour et le contre, il agissait selon ses responsabilités et cela rehaussait en lui sa qualité virile. Dans sa classe ce n’était plus maintenant qu’un enfant auquel un maître fait épeler de l’Horace ou de l’Homère. Un « maître »… Il était sous la férule d’un maître. Jadis, au temps de punitions violentes, on lui eût facilement, pour un mot mal traduit, cassé une règle sur les doigts.

Jean se trouvait humilié et il en souffrait. Il craignait alors que le parti, pris pour guider et sauver Lucienne, s’avérât à l’expérience mauvais et enfantin. Puisqu’il était un simple garçonnet qui étudie et ignore l’essentiel de la vie des humains, il ne pouvait peut-être prendre que des décisions médiocres et faibles. Sans doute, le fait d’emmener Lucienne Dué dans la petite maison de Bel-Ebat était-il au fond, destiné à rendre plus catastrophique l’avenir de cette malheureuse jeune fille. On la découvrirait et par-dessus le marché on ne croirait jamais que Jean se fut conduit avec correction devers elle.