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sait à satisfaire son jeune maître, puis s’en allait aussitôt retrouver quelque amoureux. Jean courait alors chercher Lucienne et tous deux s’attablaient…

Ils avaient beaucoup à se dire mais ne savaient comment le formuler avec des mots. La jeune fille connaissait d’instinct l’art puissant, politique et féminin, qui consiste à adhérer aux opinions d’autrui tout en réservant ses actions propres. Elle aurait toutefois voulu dévier l’entretien dans un sens qui pût la servir. Mais les réflexions du jeune lycéen ne s’engrenaient jamais avec les données de son expérience. Aussi tous deux pressentaient-il un subtil malentendu. Il s’aggravait encore du besoin qu’avait sans cesse Jean de raisonner sur ce qu’il ne connaissait point.

Elle devinait bien que son cousin eût une trop parfaite ignorance de la vie à Paris — où elle désirait se rendre — pour pouvoir forger en imagination un enchaînement logique de faits probables. Il le comprenait d’ailleurs et en restait humilié secrètement. Ainsi les deux adolescents voyaient diverger leurs deux soucis et se guettaient sans cesse par peur de maladresses différentes et redoutées.

Mais le déjeuner s’effectua selon un rite trop inattendu pour ne pas créer une cordialité nouvelle. Jean, prétextant sa connaissance