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Pomologie belge.

a la chair fondante comme celle du beurré ordinaire et qui mûrit jusqu’en janvier. Sa peau reste constamment verte. » Voilà qui est net. D’ailleurs, comment peut-on imaginer qu’un aussi excellent fruit, si remarquable par l’époque de sa maturité, serait resté inconnu pendant deux cents ans en France, pour être révélé ensuite par Hardenpont. Certes, ce serait là un fait bien plus extraordinaire, bien plus inexplicable que le gain lui-même. C’est une petitesse, indigne d’une grande nation comme la France, de vouloir enlever à la Belgique ses succès en pomologie, et quand nous voyons dénier à Hardenpont ses magnifiques succès et faire disparaître son nom glorieux de la nomenclature des poires, nous sommes en droit de nous demander s’il n’y a pas là-dessous un petit sentiment de jalousie nationale. Nous concevons cela chez des gens sans étoffe, mais chez un homme de la valeur de M. André Leroy, nous ne le concevons pas. Rendez à César ce qui appartient à César, et à Hardenpont ce qui appartient à Hardenpont.

Nous avons dit l’histoire du Beurré Liart enlevé à son obtenteur et consacré par le préfet De Coninck à l’empereur Napoléon en disant, comme disent les préfets : « Il faut que la meilleure des poires porte le nom du plus grand des héros. » Depuis, elle a eu vingt autres noms, énumérés dans le Dictionnaire pomologique de M. André Leroy, mais celui de l’obtenteur a disparu ; et c’est très-injuste, car Liart, en gagnant cet excellent fruit, a mieux servi l’humanité, que le plus grand des héros en faisant tuer un million d’hommes.

L’Orpheline, cet autre excellent fruit, gagné par l’abbé Deschamps dans le jardin de l’hospice des Orphelins à Enghien, dont il était le Directeur, fut aussi débaptisé à son tour. Van Mons le nomma successivement Colmar Deschamps et Délice des Orphelins ; puis, en 1827, le Bon jardinier le désigna sous le nom de Beurré d’Aremberg. La vogue de ce manuel horticole propagea ce nom dans le Brabant, en sorte qu’il y avait deux Beurrés d’Aremberg, l’un en France, qui est le Beurré d’Hardenpont, l’autre en Brabant qui est l’Orpheline, noms