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Pomologie belge.

tèrent non pas la poire, mais son prétendu gain dans ce village. C’est ainsi qu’on écrit l’histoire ; un roman ! Depuis lors, plusieurs écrivent Beurré de Rance, Bon-chrétien de Rance, ou de Rans, alors que le village de Rance n’a jamais vu ce fruit que dans l’imagination romantique de ces correcteurs d’une nouvelle espèce.

C’est vers 1760 qu’Hardenpont gagna le Beurré rance ; or, voici que cent et sept ans après, dans son magnifique ouvrage intitulé Dictionnaire de Pomologie, M. André Leroy, subitement illuminé, parvient à découvrir que ce n’est pas un gain d’Hardenpont, mais une vieille variété indiquée en 1618 par Le Lectier sous le nom de Gastelier, et en 1673 par Merlet sous celui de Beurré d’hiver. En voici, d’après lui, la preuve. M. Noisette qui a débaptisé les poires d’Hardenpont, a introduit en 1806 en France et décrit dans son jardin fruitier le Beurré rance sous le faux nom de Beurré d’hiver. Or, le Beurré d’hiver a été indiqué en 1673 par Merlet qui le décrit comme suit : « Pendant le mois de décembre et les suivants, se mange… le Gatellier, ou Jenart, ou Beuré d’hyver, estant gros, verd, long ou ovale, et bœuré, d’une eau peu relevée, et meilleur encor cuit que cru. » Voilà bien, dit M. André Leroy, la description du Beurré rance. Nous disons, nous, que cette description peut s’appliquer à vingt fruits, mais que très-certainement elle ne le peut pas à la poire d’Hardenpont, qui mûrit non en décembre, mais bien en mars et avril, qui n’est pas du tout une poire à cuire, mais le plus délicieux fruit de cette saison ; dont l’eau enfin n’est pas peu relevée, mais très-sucrée, très-relevée et exquise. M. André Leroy cite un texte de Louis Noisette que nous ne trouvons pas dans son livre, car les pages qu’il indique sont celles de la table ; voici ce que porte le jardin fruitier de Noisette à la page 113 : « Beurré d’hiver. Nous avons rapporté du Brabant, il y a quelques années, cet excellent fruit que l’on ne connaissait pas alors à Paris. Calvet a décrit sous le nom de Beurré d’hiver une poire à cuire, tandis que celle dont nous parlons ici est une très-bonne poire à couteau, qui