Invoque les leçons qu’offre l’expérience.
Ah ! combien dans un Prince il faut de fermeté
Pour ne pas dépouiller de leur autorité
Les Ministres zélés que veut perdre l’envie,
Qu’hélas elle poursuit pendant toute leur vie.
Les malheurs des États sont venus bien des fois
De ce qu’on révoqua de judicieux choix
Auxquels applaudissait la saine politique,
Puisqu’ils avaient pour but l’utilité publique.
Mais le mal vint aussi de la ténacité
Qu’on mit à soutenir trop d’incapacité.
Monarques, pesez donc le mérite des hommes
Que vous chargez d’agir sur tous tant que nous sommes.
Voyez s’ils sont actifs, équitables, humains,
Si la cupidité n’est point dans leurs desseins,
Si l’esprit de parti n’aveugle point leur ame,
Et si notre bonheur par leur voix se réclame.
Voyez si la patrie avec vous est d’accord
Pour que de ses enfans on leur confie le sort.
L’opinion publique est sans doute un suffrage
Que doit toujours connaître un Prince juste et sage.
Vous savez dira-t-on retirer le pouvoir
À celui qui n’a pas bien rempli son devoir ;
Mais un pareil remède est souvent inutile
Pour réparer les maux d’un ministre inhabile.
En changeant trop souvent, rien ne se rétablit,
Rien ne se consolide et rien ne s’affermit.
Chaque homme à son système auquel il sacrifie
Quelquefois l’intérêt qu’en ses mains on confie.
Son amour-propre encor le porte à censurer
Page:Dumont - Éloge de Malesherbes, 1821.djvu/17
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