Page:Dumersan et Brazier - Monsieur Cagnard ou les Conspirateurs.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Prosper.

Il le faut bien ; si tu connaissais le caractère de M. et de madame Delaune…

Juliette.

Je sais que leurs opinions politiques les ont brouillés avec mes parens ; mais j’apporte quelque chose… je te dirai cela.

Prosper.

Ils sont plus fous que jamais. Imagine-toi que cette maison est un foyer de conspirations.

Juliette.

Ah ! mon Dieu !

Prosper.

N’aie pas peur ! ce sont bien les conspirateurs les plus ridicules ! Mon oncle est entouré de tous ses vieux amis de la petite Provence, pour lesquels aucune nouvelle n’est assez bizarre, ni assez absurde ! Ma tante se laisse persuader par des imbéciles d’une autre espèce, parmi lesquels il y en a d’assez fins pour manger son dîner et pour lui emprunter de l’argent.

Juliette, riant.

Ils ne sont pas trop mauvais politiques.

Prosper.

N’ont-ils pas été jusqu’à persuader à l’une qu’un jeune prince autrichien était prêt à entrer dans Paris ; à l’autre, qu’une princesse, que tu devines sans doute, était cachée dans le faubourg Saint-Germain.

Juliette.

Et ils croient…

Prosper.

Tout ce qu’on veut : ils sont entretenus dans leurs idées chimériques par ce sot de M. Cagnard, leur associé, l’homme le plus crédule et le plus poltron des quatre-vingt-six départemens.

Juliette.

M. Cagnard !… c’est ton rival, c’est lui qui avait demandé ma main à mon père, et à qui il faut cacher notre mariage à cause de quelques petits intérêts de commerce.

Prosper.

Mon oncle doit me céder son fonds le jour où je me marierai, alors…

Juliette.

Dépêche-toi donc de lui apprendre notre mariage.

Prosper.

Aujourd’hui même. C’est sa fête, et ce soir, dans l’explosion de la tendresse, quand le punch, le vin de Champagne lui auront un peu monté la tête…

Juliette.

Joli moyen !