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Entre ces deux catégories, l’une trop basse, l’autre trop chère pour que tout le monde veuille ou puisse en user, flotte et grouille toute la tourbe des pauvres filles, servantes de tous les étages, ouvrières de toutes les sortes, forcées de gagner leur vie et sur qui se ruent les ouvriers, les domestiques, les commis de magasin, et MM.  les militaires déjà gradés, qui veulent être aimés gratis, pour eux-mêmes, sans se compromettre, et qui sèment dans ce terrain, dont rien ne gêne la fécondité, cette population d’enfants naturels qui donne 28 pour 100 et qui défraye plus tard, pour les quatre cinquièmes, les hospices, les bagnes, les lupanars et l’échafaud.

Donc, pourquoi l’homme déshonore-t-il si facilement la femme ?

Parce que rien ne protège la femme !

Pourquoi abandonne-t-il si facilement l’enfant qu’il a fait à une femme ?

Parce que rien ne protège l’enfant.

Quelle est la raison sans réplique que la femme la plus dégradée peut donner de sa dégradation ? Un premier homme. C’est donc contre ce premier homme qu’il faut assurer la femme. Eh bien, voici ce que je proposerais pour détruire cette excuse, et qu’il n’y eût plus que la prostitution volontaire, qui ne nous regarde pas, chacun étant libre de faire de sa personne ce que bon lui semble, et n’ayant le droit de se plaindre que lorsqu’on le force d’en faire un usage qui lui répugne et le déshonore :

La conscription pour les femmes comme pour les hommes. La femme ayant envers la société des devoirs à remplir, le jour où elle réclame des droits, il faut, par ses droits et par ses devoirs, la rallier à l’action commune.

Toute fille de quinze ans devra faire constater son identité, comme l’homme de vingt et un ans est forcé de faire constater la sienne ; assistée ou de sa famille