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morts, la fosse commune, quand ils seront guéris, le pavé.

Très bien.

L’homme est encore et toujours le mieux partagé dans cette distribution sociale. Laissons de côté la charité privée, les établissements de bienfaisance, les crèches qui sont des secours volontaires et qui n’existent justement qu’à cause du défaut de prévoyance et de garanties supérieures.

Le législateur, qui, en sa qualité d’homme, a dû admettre que l’homme pouvait avoir du tempérament et n’y pourrait pas résister, et qui, en même temps, devait interdire au soldat de contracter le mariage, non seulement pendant les sept années qu’il reste sous les drapeaux, les sept années de sa plus grande force, mais encore pendant les années qui précèdent la conscription à moins qu’il n’ait le moyen de s’acheter un homme, le législateur s’est trouvé pris entre ces trois nécessités, le recrutement, le célibat et l’amour. Il a donc fallu ouvrir un déversoir au délire érotique sur lequel la Nature, qui n’a pas prévu la conscription, comptait pour la reproduction de l’espèce, l’homme de dix-huit à vingt-huit ans étant plutôt destiné à créer des hommes qu’à en détruire.

Voyez un peu la logique de la société disant à l’homme : « De dix-huit à vingt-huit ans, non seulement tu ne mettras pas d’enfants au monde, mais tu en retireras le plus grand nombre possible d’hommes parmi ceux qui se portent bien. » Heureux calcul qui, dans un temps donné, amènerait nécessairement, si la guerre devait se perpétuer sur la terre, l’abaissement, l’amoindrissement et définitivement la destruction de la famille et de la race humaine.

Le déversoir nécessaire, indispensable, on l’a trouvé dans la prostitution de la femme. Moyennant une somme qui va de dix francs à quatre sous, tout homme, militaire ou non, peut posséder le corps d’une femme vivante qu’il ne connaît pas, pendant le temps nécessaire