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en droit de donner les autres), lesquelles non données sont la paresse, l’ennui, la curiosité et le tempérament ?

Ma lectrice rougit et je la scandalise !

Que voulez-vous, madame ! il me va d’ôter leurs voiles aux choses comme aux gens, et je sais bien que le mot seul vous fait peur et non la chose. Quand on vous aura bien montré les ignominies qui se dérobent sous les périphrases élastiques dont vous les enveloppez, vous vous laisserez peut-être un peu moins prendre à ces périphrases. Quand on aura contracté l’excellente habitude d’appliquer la même épithète à la femme mariée, mère de famille, aimée de son mari et de ses enfants, qui trompe son mari et se livre à un autre homme, qu’à la courtisane qui se vend, la femme mariée hésitera plus longtemps et elle reculera peut-être. Quand la femme adultère saura qu’au lieu de dire d’elle : « Madame une telle s’occupe de monsieur un tel ; » ou — « a une intimité avec monsieur un tel ; » — ou « se compromet un peu trop avec monsieur un tel ; » — on dira : « Madame une telle… (grâce encore pour cette fois) avec monsieur un tel ! » ah ! diable ! la femme y regardera à deux fois avant d’être adultère ; et cependant, le fait est le même sous la périphrase ou sous le mot technique. Seulement, les femmes du monde, qui ne souilleraient pas leur bouche, même pour la défense de la vertu, d’un mot de caserne ou de lupanar, imposent à leur corps, au nom de l’amour, l’acte le plus humiliant que le corps puisse subir, et qui les assimile, même pour l’homme qui en profite, aux plus vulgaires prostituées.

Puisque nous avons ouvert cette parenthèse, ne la fermons pas sans tout dire, et finissons-en avec cette question de l’adultère que nous acceptons si facilement, quand il s’agit de la femme des autres, et qui nous révolte, nous déshonore, nous désespère et nous tue, quand c’est de la nôtre qu’il s’agit. En vérité, nous sommes un drôle de peuple. Notre seul esprit est d’avoir fait croire que nous en avions, car du véritable esprit de conduite et d’appréciation, de justice, de bon sens enfin, il n’y a trace ni