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affaires, et venant aider, alimenter, créer des fortunes nouvelles à de très honnêtes gens. Comment exclure de l’intimité une bailleresse de fonds à qui l’on doit le repos de son ménage, sa quiétude d’esprit, l’avenir de ses enfants ? Ce ne sont plus d’anciennes courtisanes, ce sont de riches négociantes, d’opulentes propriétaires dont la signature vaut de l’or.

Ces femmes meurent, quelqu’un hérite d’elles, filles, fils, neveux, nièces, cousins, parents, amis. Hélas ! on est bien indulgent dans tous les pays du monde, et surtout dans le nôtre, pour ces hasards de l’héritage, et, si nous voyons qu’on ne demande pas compte à tel ou tel grand seigneur d’une fortune issue, il y a un ou deux siècles, d’une spoliation ou d’un assassinat, nos petits-fils ne seront pas plus exigeants que nous, et ils ne demanderont pas à M. X***, ou à mademoiselle Z*** d’où leur sont venus leurs millions, M. X*** et mademoiselle Z*** auront des millions, voilà tout. Qu’importe la source d’un fleuve, pourvu qu’il coule et, qu’il arrose ! Monsieur tel ou tel sera un beau parti et il trouvera une honnête fille de bonne maison, mais pauvre, qui ne demandera pas mieux que de porter son nom ; à moins qu’il n’en préfère une riche qui le choisira entre vingt autres pour s’arrondir et se donner quelques diamants et quelques chevaux de plus. Et vice versa pour mademoiselle Z***.

Voilà donc l’argent de la prostitution se glissant dans la famille, comme il s’est glissé déjà dans les affaires. Pourquoi pas, après tout ? Du moment que vous prêchez la croisade de l’argent, toutes les armes sont bonnes. Gloire aux vainqueurs ! Malheur aux vaincus ! L’important est de s’enrichir vite, et croyez bien qu’on n’attendra pas deux ou trois générations pour en arriver là et que beaucoup de ces créatrices de leur propre patrimoine trouveront pour elles-mêmes les unions que nous faisons au respect humain de ce siècle l’honneur de reporter à cinquante ans du point de départ. N’avez-vous pas déjà vu, dans ces derniers temps, des hommes du monde, et