coupable, retourne-toi et regarde celle-ci ! » Et le moraliste eût pu voir une créature sereine qui, n’ayant d’excuse ni dans la misère ni dans le mauvais exemple, ni dans l’ignorance, foule sous ses pieds, tranquillement et impunément, le mariage, la famille, la pudeur au profit de son seul plaisir. Celle-ci est vraiment criminelle ; celle-ci est vraiment dangereuse ; celle-ci enfin mérite la colère du poète et l’indignation du spectateur ; et cependant c’est à celle-ci qu’on veut pardonner, sous prétexte qu’elle a succombé à l’amour, au sentiment, à la nature, qu’elle s’est donnée enfin, mais qu’elle ne s’est pas vendue.
Vendue ! voilà la cause de réprobation éternelle.
Expliquons-nous une bonne fois sur ce honteux trafic de l’amour ! Nous sommes ici pour causer, n’est-ce pas ? nous sommes tous gens qui savons plus ou moins à quoi nous en tenir sur la vie, car je pense que vous n’avez pas plus donné ce livre à vos filles que vous ne les avez conduites à mes pièces ; nous pouvons donc parler librement, sincèrement surtout. J’en profiterai pour vous dire ce que personne ne dit, peut-être parce que tout le monde le pense et que l’on aurait honte de s’avouer publiquement ses turpitudes secrètes. Il est bien plus commode de les jeter dans une classe spéciale, sorte d’égout collecteur, et de se pavaner, sur le trottoir qui le couvre, dans l’estime de soi.
Une fille sans éducation, sans famille, sans profession, sans pain, n’ayant pour tout bien que sa jeunesse, son cœur et sa beauté, vend le tout à un homme assez bête pour conclure le marché. Cette fille a signé son déshonneur et la société l’exclut à tout jamais.
Une fille bien élevée, née de famille régulière, ayant à peu près de quoi vivre, habile et résolue, se fait épouser par un homme qui pourrait être son père, son grand-père même, qu’elle n’aime pas, bien entendu, immensément riche. Elle l’enterre au bout d’un mois (exemples récents). Cette fille a fait un beau mariage,