Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mand, et écoute-moi bien. J’ai eu tout à l’heure un moment de colère contre la mort ; je m’en repens ; elle est nécessaire, et je l’aime, puisqu’elle t’a attendu pour me frapper. Si ma mort n’eût été certaine, ton père ne t’eût pas écrit de revenir…

Armand.

Écoute, Marguerite, ne me parle plus ainsi, tu me rendrais fou. Ne me dis plus que tu vas mourir, dis-moi que tu ne le crois pas, que cela ne peut être, que tu ne le veux pas !

Marguerite.

Quand je ne le voudrais pas, mon ami, il faudrait bien que je cédasse, puisque Dieu le veut. Si j’étais une sainte fille, si tout était chaste en moi, peut-être pleurerais-je à l’idée de quitter un monde où tu restes, parce que l’avenir serait plein de promesses, et que tout mon passé m’y donnerait droit. Moi morte, tout ce que tu garderas de moi sera pur ; moi vivante, il y aura toujours des taches sur mon amour… Crois-moi, Dieu fait bien ce qu’il fait…

Armand, se levant.

Ah ! j’étouffe.

Marguerite, le retenant.

Comment ! c’est moi qui suis forcée de te donner du courage ? Voyons, obéis-moi. Ouvre ce tiroir, prends-y un médaillon… c’est mon portrait, du temps que j’étais jolie ! Je l’avais fait faire pour toi ; garde-le, il aidera ton souvenir plus tard. Mais, si, un jour, une belle jeune fille t’aime et que tu l’épouses, comme cela doit être, comme je veux que cela soit, et qu’elle trouve ce portrait, dis-lui que c’est celui d’une amie qui, si Dieu lui permet de se tenir dans le coin le plus obscur du ciel, prie Dieu tous les jours pour elle et pour toi. Si elle est jalouse du passé, comme nous le sommes souvent, nous