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Gustave.

Quand ?

Armand.

Il y a un mois.

Gustave.

Qu’as-tu répondu à cette Lettre ?

Armand.

Que voulais-tu que je répondisse ? Le coup était si inattendu, que j’ai cru que j’allais devenir fou. Comprends-tu ? elle, Marguerite ! me tromper ! moi qui l’aimais tant ! Ces filles n’ont décidément pas d’âme. J’avais besoin d’une affection réelle pour m’aider à vivre après ce qui venait de se passer. Je me laissai conduire par mon père, comme une chose inerte. Nous arrivâmes à Tours. Je crus d’abord que j’allais pouvoir y vivre, c’était impossible ; je ne dormais plus, j’étouffais. J’avais trop aimé cette femme, pour qu’elle pût me devenir indifférente tout à coup ; il fallait ou que je l’aimasse, ou que je la haïsse ! Enfin, je ne pouvais plus y tenir ; il me semblait que j’allais mourir, si je ne la revoyais pas, si je ne lui entendais pas me dire elle-même ce qu’elle m’avait écrit. Je suis venu ici, car elle y viendra. Ce qui va se passer, je n’en sais rien, mais il va évidemment se passer quelque chose, et je puis avoir besoin d’un ami.

Gustave.

Je suis tout à toi, mon cher Armand ; mais au nom du ciel, réfléchis, tu as affaire à une femme ; le mal qu’on fait à une femme ressemble fort à une lâcheté.

Armand.

Soit ! elle a un amant ; il m’en demandera raison. Si je fais une lâcheté, j’ai assez de sang pour la payer !

un domestique, annonçant.

Mademoiselle Marguerite Gautier ! M. le baron de Varville !