Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui l’envoya à M. Léon Faucher, lequel refusa net et sans appel.

Franchement, on serait porté à croire et il paraîtrait tout naturel et tout simple que, dans un grand pays comme la France dont l’esprit et la littérature alimentent deux mondes, ce grand pays possédant un écrivain populaire, européen, universel, et cet écrivain ayant un jeune fils, qui veut tenter la carrière, on serait porté à croire, dis-je, et il paraîtrait tout naturel, que le père, dès les premières difficultés administratives, n’eût qu’à se montrer pour que l’administration s’inclinât et lui dît : « Comment donc, monsieur Dumas ! trop heureuse de faire quelque chose pour un homme comme vous, qui êtes une des gloires de notre temps. Vous désirez que la pièce de votre fils soit jouée ; vous la trouvez bonne ; vous vous y connaissez mieux que nous ; voici la pièce de votre fils. » Vous feriez cela, vous qui me lisez ; moi aussi. Eh bien, non, les choses ne se passent pas de la sorte. Il faut d’abord que le fils de cet homme illustre suive la filière que je viens de vous montrer, et, quand après ces démarches inutiles, il s’adresse enfin à son père et que celui-ci demande une audience à M. Léon Faucher, M. Léon Faucher ne le reçoit pas et le passe à son chef du cabinet, fort galant homme du reste, lequel accueille très bien le père et le fils, qui sont venus ensemble, mais leur répond, à tous les deux, que la chose sera impossible tant que M. Faucher sera ministre, car il est bon de le taquiner de temps en temps, cet homme supérieur, et de lui rappeler qu’il est au-dessous des chefs de division, des préfets et du ministre. Or, il y avait juste vingt ans que, dans le même bureau peut-être, M. de Lourdoueix avait fait la même réponse à M. Alexandre Dumas, à propos d’une demande semblable. Seulement, en 1829, il s’agissait de Christine, arrêtée par la censure de la Restauration, comme la Dame aux Camélias l’était en 1849 par la censure de la République ; — ce n’était plus le même gouvernement, ce n’était plus le même ministre, mais c’était toujours la même