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là-dessus, mais laisse-moi quelque temps le ménagement de notre fortune ; malheur à qui va tomber dans mes filets ! je travaille pour rendre mon chevalier riche et heureux. Mon frère t’apprendra des nouvelles de ta Manon, il te dira qu’elle a pleuré de la nécessité de te quitter… » (Armand repousse le livre avec tristesse et reste quelques instants soucieux.) Elle avait raison, mais elle n’aimait pas, car l’amour ne sait pas raisonner… (Il va à la fenêtre.) Cette lecture m’a fait mal ; ce livre n’est pas vrai !… (Il sonne.) Sept heures. Mon père ne viendra pas ce soir. (À Nanine qui entre.) Dites à madame de rentrer.

Nanine, embarrassée.

Madame n’est pas ici, monsieur.

Armand.

Où est-elle donc ?

Nanine.

Sur la route ; elle m’a chargée de dire à monsieur qu’elle allait rentrer tout de suite.

Armand.

Madame Duvernoy est sortie avec elle ?

Nanine.

Madame Duvernoy est partie un peu avant madame.

Armand.

C’est bien… (Seul.) Elle est capable d’être allée à Paris pour s’occuper de cette vente ! Heureusement, Prudence qui est prévenue, trouvera moyen de l’en empêcher !… (Il regarde par la fenêtre.) Il me semble voir une ombre dans le jardin… C’est elle sans doute. (Il appelle) Marguerite ! Marguerite ! Marguerite ! Personne !… (Il sort et appelle) Nanine ! Nanine !… (Il rentre et sonne.) Nanine, non plus, ne répond pas. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce vide me fait froid. Il y a un malheur dans ce silence. Pourquoi ai-je laissé sortir Marguerite ? Elle me cachait quelque chose. Elle pleurait ! Me tromperait-elle ?… Elle, me tromper !