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Scène VII

ARMAND, puis NANINE.
Armand.

Bonne Marguerite ! comme elle s’effraye à l’idée d’une séparation ! (Il sonne.) Comme elle m’aime ! (À Nanine qui paraît.) Nanine, s’il vient un monsieur me demander, mon père, vous le ferez entrer tout de suite ici.

Nanine.

Bien, monsieur !

Elle sort.
Armand.

Je m’alarmais à tort. Mon père me comprendra. Le passé est mort. D’ailleurs, quelle différence entre Marguerite et les autres femmes ! J’ai rencontré cette Olympe, toujours occupée de fêtes et de plaisirs ; il faut bien que celles qui n’aiment pas emplissent de bruit la solitude de leur cœur. Elle donne un bal dans quelques jours ; elle m’a invité, moi et Marguerite, comme si, Marguerite et moi, nous devions jamais retourner dans ce monde ! Ah ! que le temps me semble long, quand elle n’est pas là !… Quel est ce livre ? Manon Lescaut ! Comment ce livre se trouve-t-il ici ?… (Nanine rentre avec une lampe, et sort. — Lisant au hasard.) « Je te jure, mon cher chevalier, que tu es l’idole de mon cœur, et qu’il n’y a que toi au monde que je puisse aimer de la façon dont je t’aime ; mais ne vois-tu pas, ma pauvre chère âme, que dans l’état où nous sommes réduits, c’est une sotte vertu que la fidélité ? Crois-tu que l’on puisse être bien tendre lorsqu’on manque de pain ? La faim me causerait quelque méprise fatale, je rendrais quelque jour le dernier soupir en croyant pousser un soupir d’amour. Je t’adore, compte