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au Théâtre-Historique, dont la fermeture eut lieu avant la représentation. C’est à l’insistance d’un comédien de ce théâtre, M. Hippolyte Worms, qui avait assisté à la première lecture, qu’il dut d’être accepté au Vaudeville par M. Bouffé, devenu directeur de cette scène avec MM.  Lecourt et Cardaillac ; et c’est grâce à M. de Morny qu’il vit enfin le jour, le 2 février 1852.

Pendant un an, cette pièce avait été défendue par la censure sous le ministère de M. Léon Faucher. M. Bouffé connaissait M. Fernand de Montguyon. M. Fernand de Montguyon était l’ami de M. de Morny, M. de Morny était l’ami du prince Louis-Napoléon, le prince Louis était président de la République, M. Léon Faucher était ministre de l’intérieur, il y avait peut-être moyen, en montant cette échelle de recommandations d’arriver à faire lever l’interdit.

Les recommandations se mirent en mouvement. Rien n’est facile en France. On se demande où vont tous ces gens qu’on rencontre dans les rues, à pied ou en voiture. Ils vont demander quelque chose à quelqu’un. M. de Montguyon alla trouver M. de Morny, lui exposa notre situation, et M. de Morny, accompagné de M. de Montguyon, trouva le temps d’assister à une de nos répétitions, afin de se rendre compte par lui-même de la valeur de l’œuvre, avant d’en parler au prince. Il ne la jugea pas aussi dangereuse qu’on le disait. Cependant, il me conseilla de communiquer mon manuscrit à deux ou trois de mes confrères, qui adresseraient une demande à l’appui de sa recommandation, afin que le ministre ne cédât pas seulement à l’influence d’un homme du monde, mais aussi à l’intercession d’écrivains compétents. Le conseil était bon et digne. J’allai trouver Jules Janin, qui avait écrit une charmante préface pour la deuxième édition du roman, Léon Gozlan, et Émile Augier, qui venait d’obtenir avec Gabrielle le prix de vertu à l’Académie. Tous trois lurent ma pièce et tous trois me signèrent un brevet de moralité que je remis à M. de Morny, qui porta le tout au prince,