Voyez-vous d’ici votre double vieillesse, doublement déserte, doublement isolée, doublement inutile ? Quel souvenir laisserez-vous ? Quel bien aurez-vous accompli ? Vous et mon fils avez à suivre deux routes complètement opposées, que le hasard a réunies un instant, mais que la raison sépare à tout jamais. Dans la vie que vous vous êtes faite volontairement, vous ne pouviez prévoir ce qui arrive. Vous avez été heureuse trois mois, ne tachez pas ce bonheur dont la continuité est impossible ; gardez-en le souvenir dans votre cœur ; qu’il vous rende forte, c’est tout ce que vous avez le droit de lui demander. Un jour, vous serez fière de ce que vous aurez fait, et toute votre vie, vous aurez l’estime de vous-même. C’est un homme qui connaît la vie qui vous parle, c’est un père qui vous implore. Allons, Marguerite ! prouvez-moi que vous aimez véritablement mon fils, et du courage !
Ainsi, quoi qu’elle fasse, la créature tombée ne se restera jamais ! Dieu lui pardonnera peut-être, mais le monde sera inflexible ! Au fait, de quel droit veux-tu prendre dans le cœur des familles une place que la pudeur seule doit y occuper ?… Tu aimes ! qu’importe ? et la belle raison ! Quelques preuves que tu donnes de cet amour, on n’y croira pas, et c’est justice. Que viens-tu nous parler de cœur et d’avenir ? Quels sont ces mots nouveaux ? Regarde donc la fange de ton passé ! Quel homme voudrait t’appeler sa femme ? Quel enfant voudrait t’appeler sa mère ? Vous avez raison, monsieur, tout ce que vous me dites, je me le suis dit bien des fois avec terreur ; mais, comme j’étais seule à me le dire, je parvenais à ne pas m’entendre jusqu’au bout. Vous me le répétez, c’est donc bien réel ; il faut obéir. Vous me parlez au nom de votre fils, au nom de votre fille, c’est encore bien bon à vous d’invoquer de pareils noms. Eh bien, monsieur, vous direz un jour à cette belle et pure jeune fille, car