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Scène V

MARGUERITE, seule, à la même place.

Qui m’eût dit, il y a huit jours, que cet homme, dont je ne soupçonnais pas l’existence, occuperait à ce point, et si vite, mon cœur et ma pensée ? M’aime-t-il d’ailleurs ? sais-je seulement si je l’aime, moi qui n’ai jamais aimé ? Mais pourquoi sacrifier une joie ? Pourquoi ne pas se laisser aller aux caprices de son cœur ? — Que suis-je ? une créature du hasard ! Laissons donc le hasard faire de moi ce qu’il voudra. — C’est égal, il me semble que je suis plus heureuse que je ne l’ai encore été. C’est peut-être d’un mauvais augure. Nous autres femmes, nous prévoyons toujours qu’on nous aimera, jamais que nous aimerons, si bien qu’aux premières atteintes de ce mal imprévu nous ne savons plus où nous en sommes.



Scène VI

MARGUERITE, NANINE, LE COMTE DE GIRAY.
Nanine, annonçant le comte qui la suit.

M. le comte !

Marguerite, sans se déranger.

Bonsoir, comte…

Le comte, allant lui baiser la main.

Bonsoir, chère amie. Comment va-t-on ce soir ?

Marguerite.

Parfaitement.

Le comte, allant s’asseoir à la cheminée.

Il fait un froid du diable ! Vous m’avez écrit de venir à dix heures et demie. Vous voyez que je suis exact.