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tomber leurs pauvres corps dans la terre. Et pas un être ne s’occupe d’elles, une fois qu’elles sont mortes ! Ce n’est pas toujours gai, le métier que nous faisons, surtout tant qu’il nous reste un peu de cœur. Que voulez-vous ? c’est plus fort que moi. J’ai une belle grande fille de vingt ans et, quand on apporte ici une morte de son âge je pense à elle, et, que ce soit une grande dame ou une vagabonde, je ne peux pas m’empêcher d’être ému.

Mais je vous ennuie sans doute avec mes histoires et ce n’est pas pour les écouter que vous voilà ici. On m’a dit de vous amener à la tombe de Mlle Gautier, vous y voilà, puis-je vous être bon encore à quelque chose ?

— Savez-vous l’adresse de M. Armand Duval, demandai-je à cet homme.

— Oui, il demeure rue de... c’est là du moins que je suis allé toucher le prix de toutes les fleurs que vous voyez.

— Merci, mon ami.

Je jetai un dernier regard sur cette tombe fleurie, dont malgré moi j’eusse voulu sonder les profondeurs pour voir ce que la terre avait fait de la belle créature qu’on lui avait jetée, et je m’éloignai tout triste.