Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/398

Cette page n’a pas encore été corrigée

encore à exécuter. Puisqu’elle va mourir, il vaut mieux abandonner tout que de le sauver pour sa famille qu’elle n’a pas voulu voir, et qui ne l’a jamais aimée. Vous ne pouvez vous figurer au milieu de quelle misère dorée la pauvre fille se meurt. Hier nous n’avions pas d’argent du tout. Couverts, bijoux, cachemires, tout est en gage, le reste est vendu ou saisi. Marguerite a encore la conscience de ce qui se passe autour d’elle, et elle souffre du corps, de l’esprit et du cœur. De grosses larmes coulent sur ses joues, si amaigries et si pâles que vous ne reconnaîtriez plus le visage de celle que vous aimiez tant, si vous pouviez la voir. Elle m’a fait promettre de vous écrire quand elle ne pourrait plus, et j’écris devant elle. Elle porte les yeux de mon côté, mais elle ne me voit pas, son regard est déjà voilé par la mort prochaine ; cependant elle sourit, et toute sa pensée, toute son âme sont à vous, j’en suis sûre.

» Chaque fois que l’on ouvre la porte, ses yeux s’éclairent, et elle croit toujours que vous allez entrer ; puis, quand elle voit que ce n’est pas vous, son visage reprend son expression douloureuse, se mouille d’une sueur froide, et les pommettes deviennent pourpres. »