Je m’attendais à voir surgir dès ce mot la morale que me promettait le visage froid de mon père ; mais il ne me répondit rien, cacheta la lettre qu’il venait d’écrire, et la remit à Joseph pour qu’il la jetât à la poste.
Quand nous fûmes seuls, mon père se leva et me dit, en s’appuyant contre la cheminée :
— Nous avons, mon cher Armand, à causer de choses sérieuses.
— Je vous écoute, mon père.
— Tu me promets d’être franc ?
— C’est mon habitude.
— Est-il vrai que tu vives avec une femme nommée Marguerite Gautier ?
— Oui.
— Sais-tu ce qu’était cette femme ?
— Une fille entretenue.
— C’est pour elle que tu as oublié de venir nous voir cette année, ta sœur et moi ?
— Oui, mon père, je l’avoue.
— Tu aimes donc beaucoup cette femme ?
— Vous le voyez bien, mon père, puisqu’elle m’a fait manquer à un devoir sacré, ce dont je vous demande humblement pardon aujourd’hui.
Mon père ne s’attendait sans doute pas à des réponses