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vie, et n'avais-je pas l’air, en me retirant dès le second jour, d’un parasite d’amour qui craint qu’on ne lui donne la carte de son dîner ? Comment ! il y avait trente-six heures que je connaissais Marguerite ; il y en avait vingt-quatre que j’étais son amant, et je faisais le susceptible ; et au lieu de me trouver trop heureux qu’elle partageât pour moi, je voulais avoir tout à moi seul, et la contraindre à briser d’un coup les relations de son passé qui étaient les revenus de son avenir. Qu’avais-je à lui reprocher ? Rien. Elle m’avait écrit qu’elle était souffrante, quand elle eût pu me dire tout crûment, avec la hideuse franchise de certaines femmes, qu’elle avait un amant à recevoir ; et au lieu de croire à sa lettre, au lieu d’aller me promener dans toutes les rues de Paris, excepté dans la rue d’Antin ; au lieu de passer ma soirée avec mes amis et de me présenter le lendemain à l’heure qu’elle m’indiquait, je faisais l’Othello, je l’espionnais, et je croyais la punir en ne la voyant plus. Mais elle devait être enchantée au contraire de cette séparation ; mais elle devait me trouver souverainement sot, et son silence n’était pas même de la rancune ; c’était du dédain.

J’aurais dû alors faire à Marguerite un cadeau qui ne lui laissât aucun doute sur ma générosité, et qui