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de son miroir d’azur, à l’ombre de ses orangers en fleurs, avec ses longs cheveux abandonnés aux brises de la mer, et dont les flots viendraient mouiller ses pieds nus, car Nice c’est la ville de la douce paresse et des plaisirs faciles. Nice est plus italienne que Turin et que Milan, et presque aussi grecque assurément que Sybaris.

Aussi rien de plus charmant que Nice par une belle soirée d’automne, quand sa mer, à peine ridée par le vent qui vient de Barcelone, ou de Palma, murmure doucement, et quand ses lucioles, comme des étoiles filantes, semblent pleuvoir du ciel. Il y a alors à Nice une promenade qu’on appelle la Terrasse, et qui n’a pas peut-être sa pareille au monde, où se presse une population de femmes pâles et frêles qui n’auraient pas la force de vivre ailleurs, et qui viennent chaque hiver mourir à Nice ; c’est ce que l’aristocratie de Paris, de Londres et de Vienne, a de mieux et de plus souffrant. En échange, les hommes en général s’y portent à merveille, et ils semblent être venus là, conduits par un sublime dévouement, pour céder une part de leur force et de leur santé à toutes ces belles mourantes, que lorgnent en passant de charmans petits abbés, si coquets et si galans, que l’on comprend à la première vue qu’ils ont des absolutions toutes prêtes pour elles, quelques péchés qu’elles aient commis.

Car à Nice commencent les abbés ; non pas de gros vilains abbés comme à Naples ou à Florence, mais de jolis petits abbés, comme on en rencontre parfois au Monte Pincio à Rome, ou sur la promenade de la marine à Messine ; de vrais abbés de ruelle, comme il y en avait au petit lever de madame de Pompadour, et au petit coucher de mademoiselle Lange ; de délicieux abbés, enfin, nourris de bonbons et de confitures, à la chevelure propre et parfumée, à la jambe rondelette, au chapeau coquettement incliné sur l’oreille, et au petit pied mignardement chaussé d’un soulier verni à boucle d’or.

Je vous demande un peu si tout cela donne à Nice l’air d’une Minerve armée de pied en cap, et si son épithète de fidelis doit se prendre au pied de la lettre.

Il y a deux villes à Nice, la vieille ville et la ville neuve,