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LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO.

Il y a parmi les choses que le roi de Sardaigne ne peut pas sentir, cinq choses qui lui sont particulièrement désagréables :

Le tabac qu’il ne fabrique pas lui même ;

Les étoffes neuves et non taillées en vêtemens ;

Les journaux libéraux ;

Les livres philosophiques ;

Et ceux qui font les livres philosophiques ou autres.

Je n’avais pas de tabac, tous mes habits avaient été portés, les seuls journaux que je possédasse étaient trois numéros du Constitutionnel qui enveloppaient mes bottes ; mes seuls livres étaient un Guide en Italie et une Cuisinière bourgeoise, et mon nom avait l’honneur d’être parfaitement inconnu au chef de la douane : il en résulta que j’entrai beaucoup plus facilement en Sardaigne que je n’étais sorti de France.

Il y avait bien au fond de ma caisse à fusils deux ou trois cents cartouches pour lesquelles je tremblais de tout mon corps ; mais Sa Majesté le roi Charles-Albert avait fait, à ce qu’il paraît, étant prince de Carignan, une connaissance trop intime avec la poudre pour en avoir peur. Ses douaniers ne firent pas même attention à mes cartouches.

Au reste, je ne sais pas trop pourquoi le roi Charles-Albert en veut tant aux révolutions, il est peut-être le prince qui ait le moins à s’en plaindre. Il y a quelques centaines d’années que ses aïeux, les ducs de Savoie, étaient de braves petits ducs sans importance, qu’on appelait tout bonnement Messieurs de Savoie ; lorsque, lassée des révolutions qui suivirent la mort de la reine Jeanne, Nice se donna corps et biens à Amédée VII surnommé le Rouge : en 1815, il en fut de Gênes comme il en avait été de Nice en 1588, avec cette