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— Eh bien ! oui, c’est moi, nous dit-il avec son triple accent provençal. Que voulez-vous ; il faut bien hurler avec les loups ; ils connaissent ici mes opinions napoléoniennes et ma vénération pour ce grand monsieur de Voltaire ; je n’ai pas envie de me faire mettre en cannelle comme ce bon maréchal Brune. D’ailleurs, qu’est-ce que cela me fait, à moi, l’enveloppe ? Le cœur, il est toujours dessous, n’est-ce pas ? Eh bien ! je vous le répète, ce cœur, il est napoléonien dans l’âme. Quant à ce livre de messe, est-ce que vous croyez que je sais ce qu’il y a dedans ? Je ne connais pas le latin, moi.

— Mais, capitaine, lui répondis-je, vous vous défendez là de choses fort honorables, ce me semble.

— Non, c’est que vous pourriez penser que je crois à toutes ces bêtises, moi, à toutes ces momeries qui sont bonnes pour les femmes et pour les enfans.

— Soyez tranquille, capitaine, dit Jadin ; nous pensons que vous êtes un farceur, voilà tout.

— Eh ! allons donc !… Eh bien ! oui, je suis un farceur, un bon diable, un bon vivant. Avez-vous déjeuné ?

— Non, capitaine.

— Voulez-vous venir déjeuner avec moi ?

— Merci, capitaine, nous n’avons pas le temps.

— Eh ! vous avez tort. Je vous aurais conté de bonnes histoires de calotin, et chanté des chansons bien hardies sur l’empereur.

— Nous sommes on ne peut plus reconnaissans, capitaine ; mais il faut que nous soyons aujourd’hui de bonne heure à Nice.

— Vous ne voulez donc pas ?

— Impossible.

— Eh bien ! alors, bon voyage, dit le capitaine en nous tendant la main.

Nous vîmes que nous le tirerions d’embarras en le laissant aller de son côté et en allant du nôtre. En conséquence, nous ne voulûmes pas le tourmenter plus longtemps, et nous lui donnâmes la main chacun à notre tour, en lui souhaitant toutes sortes de prospérités.

Nous rentrâmes à l’auberge, où nous trouvâmes notre dé-