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après que chacun à son tour eut jeté de l’eau bénite sur le cadavre, on cloua le couvercle, comme je l’avais déjà vu faire au cimetière des Baux, et l’on descendit la bière dans la tombe.

En ce moment les pénitens entonnèrent le Libera.

J’allai près de Jadin, lequel était resté près du pénitent sur lequel ma présence avait paru produire une si étrange impression. Il chantait à tue-tête.

— Est-ce que vous ne connaissez pas cette voix-là ? demandai-je à Jadin.

— Attendez donc, me dit-il en rappelant ses souvenirs, il me semble que si.

— Venez par ici, maintenant. Je le conduisis en face du chanteur.

— Est-ce que vous ne connaissez pas cette bouche-là ? lui demandai-je.

— Attendez donc, attendez donc. Oh ! pas possible !…

— Mon cher, ou il y en a deux pareilles, ce qui n’est pas probable, ou c’est celle…

— Du capitaine Langlet, n’est-ce pas ?

— C’est vous qui l’avez dit.

Le pénitent, qui voyait que nous le regardions, se démantibulait le visage et faisait tout ce qu’il pouvait pour se défigurer.

— Ah ! le vieux singe ! dit Jadin.

— Chut ! fis-je en l’entraînant.

— Non pas, non pas, reprit Jadin, je veux lui demander des nouvelles de monsieur de Voltaire.

— Attendons-le dehors, et là vous lui demanderez tout ce que vous voudrez.

— Vous avez raison.

Nous sortîmes et nous attendîmes à la porte. Notre pénitent sortit un des derniers, sa cagoule plus rabattue que jamais.

— Eh ! bonjour, capitaine, lui dit Jadin en lui frappant sur le ventre.

Le capitaine, se voyant reconnu, fit contre fortune bon cœur ; et, relevant sa cagoule, il nous découvrit une figure qui n’avait rien de l’austérité monacale.