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nous ; et maintenant, puisqu’il était en route, son intention, si nous le lui permettions, était de nous accompagner jusqu’à Nice. Mais, ajouta-t-il, à la condition, bien entendu, qu’il paierait sa place dans notre voiture.

Si notre convive avait été moins naïf, nous aurions cru qu’il se moquait de nous ; mais il n’y avait pas à se tromper à son air : c’était la bonhomie en personne. Nous lui dîmes en conséquence que, s’il tenait absolument à payer sa part de notre voiture, il n’avait qu’à faire le calcul lui-même, en défalquant les huit ou dix lieues que nous avions faites sans lui, et qu’il n’était pas juste qu’il payât. Il prit un crayon, fit sa soustraction, la vérifia par une preuve, et nous remit 49 francs 75 centimes, en nous remerciant, les larmes aux yeux, de la faveur que nous lui accordions.

Nous montâmes dans la voiture ; mais quelques instances que nous fîmes à notre compagnon de voyage, il ne voulut jamais aller qu’à reculons.

En arrivant à Antibes, Jadin l’appelait Onésime tout court. À la fin du souper, il le tutoyait. Le lendemain, il lui donnait de grands coups de poing dans le dos.

Quant à Onésime, il ne parla jamais à Jadin qu’avec le plus profond respect ; il continua toujours de l’appeler monsieur Jadin, et jamais ne leva la main, même sur Milord.

À Nice, l’amitié d’Onésime pour Jadin était devenue si forte, qu’il ne put pas se décider à le quitter, et qu’il partit avec nous de Nice pour Florence.

Onésime ne voulut pas être venu à Florence sans voir Rome, et il partit avec nous de Florence pour Rome.

Bref, Onésime fit avec nous presque le tour de l’Italie. Les 1, 500 francs de sa tante y passèrent jusqu’au dernier sou.

Après quoi, il s’en revint joyeusement à Saint-Denis, emportant, nous dit-il, des souvenirs pour tout le reste de son existence…

Et alors ?… alors ce fut Jadin qui eut toutes les peines du monde à se passer de lui.

J’ai anticipé sur les événemens, pour faire connaître tout de suite quelle bonne créature c’était que notre compagnon de voyage.