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grande échancrure était le golfe Jean. Nous nous arrêtâmes juste où le prince de Monaco s’était arrêté.

On sait l’histoire du prince de Monaco.

Madame de D. avait suivi M. le prince de Talleyrand au congrès de Vienne.

— Mon cher prince, lui dit-elle un jour, est-ce que vous ne ferez rien pour ce pauvre Monaco, qui, depuis quinze ans, comme vous savez, a tout perdu, et qui avait été obligé d’accepter je ne sais quelle pauvre petite charge à la cour de l’usurpateur ?

— Ah ! si fait, répondit le prince, avec le plus grand plaisir. Ce pauvre Monaco ! vous avez bien fait de m’y faire penser, chère amie ! je l’avais oublié.

Et le prince prit l’acte du congrès qui était sur sa table, et dans lequel on retaillait à petits coups de plume le bloc européen que Napoléon avait dégrossi à grands coups d’épée ; puis de sa plus minime écriture, après je ne sais quel protocole qui regardait l’empereur de Russie ou le roi de Prusse, il ajouta :

— Et le prince de Monaco rentrera dans ses États. Cette disposition était bien peu de chose : elle ne faisait pas matériellement la moitié d’une ligne ; aussi passa-t-elle inaperçue, ou si elle fut aperçue, personne ne jugea que ce fût la peine de rien dire contre.

L’article supplémentaire passa donc sans aucune contestation.

Et madame de D. écrivit au prince de Monaco qu’il était rentré dans ses États.

Le 25 février 1815, trois jours après avoir reçu cette nouvelle, le prince de Monaco fit venir des chevaux de poste, et prit la route de sa principauté.

En arrivant au golfe Juan, il trouva le chemin barré par deux pièces de canon.

Comme il approchait de ses États, le prince de Monaco fit grand bruit de cet embarras qui le retardait, et ordonna au postillon de faire déranger les pièces et de passer outre.

Le postillon répondit au prince que les artilleurs dételaient ses chevaux.