— Monsieur l’architecte, dirent les notables, nous voulons une fontaine.
— Une fontaine, dit l’architecte, rien de plus facile.
— Vraiment ? dit le maire.
— Vous allez avoir cela dans une demi-heure.
L’architecte prit un compas, une règle, un crayon et du papier, puis il demanda de l’eau pour délayer de l’encre de la Chine dans un petit godet de porcelaine.
— De l’eau ? dit le maire.
— Eh bien ! oui, de l’eau.
— Nous n’en avons pas d’eau, répondit le maire ; si nous avions de l’eau, nous ne vous demanderions pas une fontaine.
— C’est juste, dit l’architecte. Et il cracha dans son godet et délaya l’encre de la Chine avec un peu de salive.
Puis il se mit à tracer sur le papier une fontaine superbe, surmontée d’une urne percée de quatre trous à mascarons, avec quatre gerbes d’une eau magnifique.
— Ah ! ah ! dirent le maire et les notables en tirant la langue, ah ! voilà bien ce qu’il nous faudrait.
— Vous l’aurez, dit l’architecte.
— Combien cela nous coûtera-t-il ?
L’architecte prit son crayon, mit une foule de chiffres les uns sous les autres, puis il additionna.
— Cela vous coûtera vingt-cinq mille francs, dit l’architecte.
— Et nous aurons une fontaine comme celle-là ?
— Plus belle.
— Avec quatre gerbes d’eau semblables ?
— Plus grosses.
— Vous en répondez ?
— Tiens, pardieu ! Vous savez, mon cher, continua Méry, les architectes répondent toujours de tout.
— Eh bien ! dirent les notables, commencez la besogne.
En attendant, on afficha le plan de l’architecte à la mairie ; tout le village alla le voir, et n’en revint que plus altéré.
On se mit à tailler les pierres du bassin, et dix ans après, c’est-à-dire le 1er mai 1820, Rougiez eut la satisfaction de