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FRÈRE JEAN-BAPTISTE.

Nous ne pouvions pas être venus si près de la ville d’Hyères sans visiter le paradis de la Provence ; seulement nous hésitâmes un instant si nous irions par terre ou par mer. Notre irrésolution fut fixée par le commissaire de la marine, qui nous dit qu’il ne pouvait pas nous prêter les forçats pour une si longue course, attendu qu’il ne leur était pas permis de découcher.

Nous envoyâmes donc tout bonnement retenir nos places à la voiture de Toulon à Hyères, qui tous les jours passait vers les cinq heures du soir, à quelque cent pas de notre bastide.

Rien de délicieux comme la route de Toulon à Hyères. Ce ne sont point des plaines, des vallées, des montagnes que l’on franchit, c’est un immense jardin que l’on parcourt. Aux deux côtés de la route s’élèvent des haies de grenadiers, au dessus desquelles on voit de temps en temps flotter, comme un panache, la cime de quelque palmier, ou surgir, comme une lance, la fleur de l’aloès ; puis au delà de cette mer de verdure, la mer azurée, toute peuplée, le long de ses côtes, de barques aux voiles latines, tandis qu’à son horizon passe gravement le trois mâts avec sa pyramide de voiles, où file avec rapidité le bateau à vapeur, laissant derrière lui une longue traînée de fumée, lente à se perdre dans le ciel.

En arrivant à l’hôtel, nous n’y pûmes pas tenir, et notre premier mot fut pour demander à notre hôte s’il possédait un jardin, et si dans ce jardin il y avait des orangers. Sur sa réponse affirmative, nous nous y précipitâmes ; mais si la gourmandise est un péché mortel, nous ne tardâmes point à en être punis.

Dieu garde tout chrétien, ne possédant pas un double râtelier de Désirabode, de mordre à pleines dents comme nous le fîmes, dans les oranges d’Hyères.