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l’ayoli ; mais que voulez-vous, elle n’avait pas de lac : Dieu a voulu que la Provence fût complète, il lui a envoyé un lac.

— Et comment cela ?

— Il lui est tombé du ciel.

— Y a-t-il longtemps ?

— Avec les dernières pluies ; j’en ai appris la nouvelle ce matin.

— Mais, nouvelle officielle ?

— Tout ce qu’il y a de plus officiel.

— Et où est-il, ce lac ?

— À Cuges, vous le verrez en allant à Toulon ; c’est sur votre route.

— Et les Cugeois sont-ils contens ?

— Je crois bien qu’ils sont contens, pardieu ! ils seraient bien difficiles.

— Alors Cuges désirait un lac ?

— Cuges ? Cuges aurait fait des bassesses pour avoir une citerne ; Cuges était comme Rougiez ; c’est de Cuges et de Rougiez que nous viennent tous les chiens enragés. Vous connaissez Rougiez ?

— Non, ma foi !

— Ah ! vous ne connaissez pas Rougiez. Rougiez, mon cher, c’est un village qui, depuis la création, cherche de l’eau. Au déluge il s’est désaltéré ; depuis ce jour-là bonsoir. En soixante ans, il a changé trois fois de place ; il cherche une source. Jamais Rougiez n’élit un maire sans lui faire jurer qu’il en trouvera une. J’en ai connu trois qui sont morts à la peine, et deux qui ont donné leur démission.

— Mais pourquoi Rougiez ne fait-il pas creuser un puits artésien ?

— Rougiez est sur granit de première formation ; Rougiez frappe le rocher pour avoir de l’eau, il en sort du feu. Ah ! vous croyez que cela se fait ainsi. Je voudrais vous y voir, vous qui parlez. En 1810, oui, c’était en 1810, Rougiez prit l’énergique résolution de se donner une fontaine. Un nouveau maire venait d’être nommé, son serment était tout frais, il voulait absolument le tenir. Il assembla les notables, les notables firent venir un architecte :