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devenue plus grande que jamais. Il reçut alors de la seigneurie commission de présenter une nouvelle forme de gouvernement. Savonarole, libre dès lors de donner carrière à ses idées démocratiques, établit son système sur la base la plus large et la plus populaire qui eût encore été offerte à la république florentine.

Le droit de distribuer les places et les honneurs devait être accordé à un grand conseil composé de tout le peuple ; et comme le peuple ne pouvait être convoqué en masse à chaque instant, et pour chaque chose qui réclamait son examen et son approbation, il devait déléguer son autorité à un certain nombre de citoyens choisis par lui-même, et auquel il transmettrait ses droits. Ce fut pour réunir cette assemblée d’élus que Savonarole fit construire dans le Palais-Vieux, par Cronaca son ami, Cette fameuse salle du conseil, dans laquelle pouvaient tenir à l’aise mille citoyens.

Ce n’était pas tout : après la partie matérielle de la liberté, si on peut parler ainsi, il fallait s’occuper de sa partie morale, c’est-à-dire des mœurs et des vertus, sans lesquelles elle ne peut se maintenir. Or, les Médicis avaient répandu l’or à pleines mains : l’or avait entamé le luxe, le luxe les plaisirs. Florence n’était plus cette république sévère où la parcimonie publique et l’économie privée permettaient au gouvernement de commander à la fois à Arnolfo di Lapo une nouvelle enceinte de remparts, un dôme magnifique, un palais imprenable, et un grenier public où pût être enfermé le blé de toute une année. Florence s’était faite molle et voluptueuse ; Florence avait des savans grecs, des poëtes érotiques, des tableaux obscènes, et des statues effrontées. Il fallait porter le fer et le feu dans tout cela ; il fallait ramener les Florentins à la simplicité antique ; il fallait détruire Athènes, et avec ses débris rebâtir Sparte.

Savonarole choisit l’époque du Carême pour tonner contre cette tendance mondaine, et pour lancer l’anathème sur toutes ces corruptrices superfluités. Sa parole eut sa puissance ordinaire. À sa voix, chacun se hâta de venir amonceler sur les places publiques tableaux, statues, livres, bijoux, vêtemens de brocard et habits brodés. Alors le moine, suivi d’une foule de femmes et d’enfans qui chantaient les